L’attaque des singes (3)

C’était d’ailleurs beaucoup plus loin que je ne le pensais, comme si mon souvenir m’échappait, s’évaporait, et à cet instant-là je ne percevais avec netteté qu’une histoire que j’avais peut-être imaginée. Mais comment pourrais-je avoir enregistré et conservé le souvenir d’un lieu où je n’étais jamais allé ?
Ou plutôt, n’est-ce pas que ce souvenir avait été réduit à l’état de récit objectif, d’abrégé forcément lacunaire, un aplat monochrome se substituant aux sensations et justifiant l’absence de relief ? Peut-être même que l’ordre narratif du souvenir primitif avait été modifié, remanié, que certaines scènes se répétaient à l’identique mais avec quelques mètres-secondes d’écart, à tel point que sa restitution en serait évidemment faussée et contradictoire, par moments. (Meaning ain’t in the head…)